Dernière sortie pour Harry
par Nathalie Riché Lire, novembre 2007
La créatrice du jeune sorcier livre le dénouement de ces aventures qui ont captivé toute une génération. C'en
est fini! La première grande série de l'ère de la mondialisation (325
millions d'ouvrages vendus) s'achève avec Harry Potter et les reliques
de la mort. Le lecteur fidèle sera comblé par ce point final qui
confirme de la part de l'auteur une maîtrise étourdissante de quelque
600 personnages au fil des 4 000 pages que comportent les sept volumes.
Le succès est déjà assuré, puisque, depuis sa sortie le 21 juillet, 23
millions d'exemplaires de la version anglaise ont déjà été vendus, dont
236 000 en France*.OAS_AD('Position2');
Cet ultime tome est bien la preuve
d'une expérience sans précédent en littérature de jeunesse, tant par
l'évolution des personnages que par l'écriture elle-même. Car en
conduisant son héros depuis l'enfance (Harry intègre Poudlard à l'âge
de onze ans) jusqu'à sa majorité (qui, chez les sorciers, est fixée à
dix-sept ans), J.K. Rowling a éclairé une génération de lecteurs. «Ce
roman d'initiation accompagne l'enfant à l'orée de l'âge adulte,
souligne Christine Baker, son éditrice chez Gallimard. Cela fait partie
de son génie car ce véritable apport créatif, original, était pensé dès
le début.»
Une atmosphère sombre, loin de la magie enfantineHarry
a décidé de ne pas faire sa septième année à Poudlard pour accomplir
son destin: tuer Vous-Savez-Qui. Avant de mourir, Albus Dumbledore lui
a révélé la manière dont ce dernier a divisé son âme en sept parties,
enfermées dans des objets symboliques, les Horcruxes. Pour accomplir
cette quête ultime, Harry doit détruire chacun des morceaux d'âme
restants. L'atmosphère du livre est dense et noire. On est loin de la
magie enfantine de gentils sorciers chevauchant leur balai, s'exerçant
au Quidditch ou déclamant des Alohomora à tour de baguette. Le
ministère de la Magie est tombé aux mains des partisans du Seigneur des
Ténèbres et les Mangemorts sèment la terreur. Harry, Ron et Hermione
vivent traqués sous une tente invisible en forêt. Si l'allégorie du
monde magique est toujours présente, les longs moments reclus dans la
bulle-bunker révèlent bien l'état de siège dans lequel se trouve plongé
le trio.
Voldemort est
omniprésent, relié au cerveau de Harry tel un double obsédant. La
tension est constante, les cadavres pleuvent. Et jamais le parallèle
avec les heures les plus sombres de notre monde n'a été aussi criant.
La désinformation sévit dans la Gazette du sorcier tandis que les
Résistants sonnent le rassemblement sur les ondes de Potterveille... Au
ministère de la Magie s'ouvre la commission d'enregistrement des
nés-Moldus, destinée à éradiquer les Sang-de-Bourbe ramassés par les
Rafleurs.
J.K. Rowling convie
son jumeau de papier à son destin. Tout lui a été pris: ses parents,
son parrain, son mentor. Et c'est un Harry méditatif que l'on retrouve,
face à ses choix, soucieux du combat qu'il mène et bien souvent privé
de baguette. Comme si les réponses étaient au-delà du monde magique
ainsi que l'avait déjà précisé sa créatrice: «Ce qui compte, ce n'est
pas la magie mais les limites que je donne à la magie elle-même.»
J.K.
Rowling termine en beauté son épopée, conjuguant l'univers qu'elle a
créé et les multiples références qui jalonnent son oeuvre, de la
mythologie à Star Wars en passant par la légende arthurienne, Dickens
et Tolkien. Une synthèse dont seuls les auteurs anglais sont capables,
à la manière d'un Lewis Carroll, d'un C.S. Lewis ou d'un Philip
Pullman. «Le mélange des genres remonte loin dans la tradition
littéraire anglaise, rappelle Christine Baker. Shakespeare, c'est à la
fois le romantisme, l'horreur, la farce et la tragédie, l'art de passer
d'un monde à l'autre. C'est aussi le secret de Tolkien. Aucun auteur
français n'a réussi à créer de toutes pièces un univers avec son
langage et ses codes. Zola et Balzac ont bâti des dynasties, mais dans
le réalisme.»
Y aura-t-il un
après-Harry Potter? La Britannique pourrait s'attaquer à une
encyclopédie sur son héros. Selon son éditrice française, J.K. Rowling
est «très sincère quand elle déclare que c'est le dernier tome, mais
peut-on jamais dire "jamais"?». L'après-Harry Potter, ce sont les
centaines de millions de jeunes qui auront reçu ces cadeaux inouïs, en
plus du goût pour la lecture, un passeport vers l'âge d'homme.
* Source Ipsos.
Harry Potter et les reliques de la mort
J.K. Rowling Gallimard