Bleu Blanc Rouge
Encore un écrivain congolais qui m'a beaucoup plu. Il vient de Pointe Noire et a longtemps étudié en France (comme beaucoup de ses collègues).
Ce roman, à l'humour amer et désabusé, évoque la quête d'un monde meilleur pour des milliers de personnes d'Afrique Centrale, confrontés aux difficultés que l'on sait. Particulièrement d'actualité, il décrit la spirale infernale qui pousse les jeunes, et en particulier le héros Massala Massala, incité par des amis qui les ont précédés, à s'expatrier pour aller trouver une vie digne de ce nom à Paris. C'est du moins ce qu'il croit, car comme le montre toute la première partie du livre, lorsque les "Parisiens" reviennent au pays, le tableau qu'ils dressent de leur ville d'adoption se doit d'être extraordinaire : il faut tout embellir, il faut absolument cacher la réalité car c'est un déshonneur de rentrer au pays en avouant son échec. Ainsi, toutes les personnes qui entendent ce discours rêvent un jour de monter à Paris pour à la fois s'en sortir et aider leur famille.
Massala Massala quitte alors son petit village près de Pointe Noire et s'embarque donc pour Paris avec l'aide d'un de ces fameux "Parisiens". Toute la deuxième partie montre alors une longue descente aux enfers, de la désillusion lorsqu'il découvre le logement miteux dans lequel il va vivre au désarroi absolu lorsque, devenu clandestin, son visa ayant expiré, il est contraint de participer à des escroqueries fomentées par quelques-uns de ses compatriotes. Eux aussi ont vécu les mêmes galères que lui et n'ont rien trouvé de mieux que cette voie pour vivre correctement. Entraîné sur cette pente savonneuse, Massala Massala, devenu Marcel Bonaventure de par ses faux papiers, subira le même sort que bien d'autres malheureux clandestins sur le sol français...
Il va sans dire que cette lecture ne peut que nous faire culpabiliser, nous occidentaux, et nous interroger une fois de plus sur ce que nous avons fait à l'Afrique : nous l'avons pillée pendant des siècles, nous avons humilié son peuple, nous avons soutenu (et nous continuons à le faire, plus que jamais !) des régimes sanguinaires et des républiques bananières incapables de faire autre chose que dilapider les immenses richesses de leur pays au profit des rapaces occidentaux (il suffit de voir Total, ici, à Pointe Noire, c'est particulièrement édifiant !) ; et lorsque les gens n'en peuvent plus de vivre avec rien, qu'ils n'ont d'autre solution que d'aller chercher quelques maigres richesses là où il y en a encore, c'est-à-dire en Europe, on les accueille à coup de lois Pasqua, Debré, Chevènement, Sarkozy...
Ce livre exprime simplement et justement tout ce que je ressens comme honte lorsque je regarde la misère autour de moi, ici, à Pointe Noire, République du Congo. Je ne peux pas faire grand chose, mais je suis responsable, et c'est dur de se le dire...