Les frères Karamazov est l'oeuvre ultime de Dostoïveski, l'empreinte de son opinion et de sa vision de la russie en 1880 (date de parution). Cette oeuvre énorme et lourde nous dévoile l'existence du clan Karamazov: Fédor, le père, alcoolique coléreux et incapable même d'élever ses fils.
Alexis (Aliocha) fils aux idées élevées, croyant, humaniste et engagé.
Ivan, fils prétenduement intellectuel, éclairé, paradoxal au point de s'ériger cet ersatz de Dieu qui lui est propre et nécessaire à son athéisme.
Dmitri (Mitia) fils impulsif agissant selon sa passion, habitué du cabaret et des frasques et rêvant de la France comme un Eldorado des idées et des moeurs.
J'ajouterai Smerdiakov, présumé fils illégitime de Fédor Karamazov, devenu l'un de ses employés et considéré comme idiot.
L'ensemble se divise en 3 grandes parties, d'abord la rivalité sur fond de jalousie entre Fédor et son fils Dmitri qui se déchirent pour une femme, Grouchenka Svetlov; ensuite la psychologie des frères Karamazov qui nous mène jusqu'au funeste drame et à son auteur possible; enfin le procès et les pièces confirmant ou infirmant la culpabilité de .............!! (mystère)
Biensur on peut considérer qu'il existe un fond policier dans ces Frères Karamazov mais c'est réduire à peu de choses ce roman de Dostoïevski qui nous dévoile là, comme un testament, son sentiment sur la grande et "sainte" russie. Lénine qui préférait Tolstoï voyait en Dostoïevski le défenseur de la littérature bourgeoise pourtant son dernier roman montre à quel point l'homme était rongé par le doute et à ce titre moderne et non pas ancré dans la certitude des dogmes religieux ou politiques.
Le chapitre du Grand inquisiteur dévoile au travers du regard d'Ivan et d'une anecdote la possibilité de douter de Dieu. Ce chapitre, loin d'être austère mets le doigt précisément sur nos interrogations modernes et nous interpelle sans moralisation ni culpabilisation.
Le procès final permets également à Dostoïevski de porter un jugement objectif sur "sa" russie, celle qu'il va bientôt laisser, au travers d'une allégorie superbe, poignante, celle d'une troïka (représentant la russie) et fonçant droit devant elle et faisant s'écarter le voisinage (l'europe voisine).
Et puis la mort du petit Illioucha ,qui incarne le viatique de l'humanisme, est un pur moment de beauté qui permet encore aujourd'hui de croire en la grandeur et la bonté d'âme intrinsèque de l'homme.
Dostoïevski termine le procès sur cet axiome qui révèle son opinion:"Oui nos braves paysans ont eu le dernier mot". Le défenseur éclairé venu de Moscou et incarnant les grandes idées neuves occidentales a cédé face à l'âme russe et sa grandeur séculaire.
Bref sans dévoiler l'intrigue principale de ce chef d'oeuvre je vous dirais juste que les Frères Karamazov est d'une extrême beauté, d'une puissance rare et d'une portée immense qui traverse les époques sans s'altérer. Je ne peux pas vous dire comme je le fais souvent, allez-y, lisez-le!! Non, les Frères Karamazov se lit quand on a l'intime conviction que le moment est venu. C'était ma 1ère lecture et ce ne sera pas la dernière car ce pavé de 908 pages ne m'a pas tout dévoilé encore mais j'y ai déjà trouvé le corps d'un puzzle sublime qui m'a apporté énormément.