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 Tintin en afrique

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julie
Boss Hogg
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julie


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MessageSujet: Tintin en afrique   Tintin en afrique Icon_minitimeLun 20 Juin - 16:51

source : le nouvel obs

Rencontre avec Eric Chevillard


Tintin en Afrique
Il y a deux ans, l’auteur d’«Oreille rouge» était invité en résidence d’écriture au Mali. Il a tiré de ce séjour un roman ironique et brillant. Entretien

Un romancier français guère porté sur la bourlingue débarque en Afrique à l’invitation d’un village situé sur la rive du fleuve Niger, pour «donner une chance au Malien qui dort en lui». Seulement l’Afrique n’est pas l’eldorado dont il rêvait: des néons éclairent les villages comme en Norvège, et le baobab est moins ce dieu rondouillard qu’il espérait que le petit frère pauvre du hêtre occidental. Le narrateur compare les mérites du couteau suisse et du coupe-coupe, tient que les coups de trique sur la croupe des ânes sont «l’autre tam-tam de l’Afrique», regrette la France, ses pelouses et ses armoires normandes et envie ce beau carrosse – le crâne des Africaines. Quelques semaines plus tard, voici que, de retour en Europe, il observe cette peuplade pâle: «Est-ce que les Blancs seraient des nègres morts?» Le continent noir à présent lui manque: partant pour le Finistère, il caresse l’idée de tout quitter, un jour, pour l’Asie. Formidable remake de «Bouvard et Pécuchet» mais sans Bouvard, «Oreille rouge» (c’est le nom du narrateur, à qui le soleil africain a joué un vilain tour) est le faux récit d’un vrai voyage. Explications

Le Nouvel Observateur. – Votre nouveau roman est d’abord un récit de voyage…
Eric Chevillard. – Je voulais parodier le genre en contournant ses écueils. Eviter surtout cette éternelle arrogance du voyageur. De quel droit s’improvise-t-on ethnologue? J’ai préféré m’acharner sur un personnage d’écrivain en résidence et décrire l’Afrique à partir de ses symptômes, de ses allergies, de son corps blanc, vulnérable, pas préparé à l’Afrique.

N. O. – Ce voyage que vous racontez, vous l’avez réellement effectué?
E. Chevillard. – Oui. Une résidence d’écriture dans une ville moyenne du Mali, sur le Niger, m’a proposé de venir séjourner chez eux, tandis qu’un écrivain malien était simultanément invité en Bourgogne, où j’habite. J’ai vécu cinq semaines là-bas. Je ne suis pas du tout aventurier de nature. J’ai fait un énorme effort pour m’arracher à mes habitudes. Le personnage d’«Oreille rouge» est une sorte de caricature de ce que je pouvais être, avec ses hésitations, ses réserves, ses dérobades permanentes. Sauf que j’étais, moi, plus curieux de l’Afrique qu’il ne l’est, et plus curieux que lui d’aller y voir.

N. O. – Pour vous, le voyage a plutôt mal commencé…
E. Chevillard. – Oui, je le raconte d’ailleurs au début du livre. C’était il y a deux ans, vers le 4 janvier. Roissy était paralysé. Il y avait de gros retards. Tout le monde était énervé. L’avion était cloué au sol. Il y avait un homme qui était assis à côté de moi. Il était drogué, dans un état de malaise incroyable. Il se balançait sur son siège, il massacrait la tablette. Finalement, il s’est dressé brutalement, et tandis que je me levais pour le laisser passer il m’a envoyé un crochet au visage. Ça m’a assommé, j’avais la lèvre fendue de part en part, il a fallu me débarquer de l’avion. Du coup, mon séjour, qui devait s’étaler sur huit semaines, en a duré cinq.

N. O. – L’Afrique ne vous a pas déçu?
E. Chevillard. – L’Afrique, c’est la réalité massive. Le voyageur occidental n’est pas très bien appareillé pour ces sensations-là. On a affaire à un monde dont on ne sait trop s’il est en état de déliquescence ou de construction. C’est un sauve-qui-peut permanent,
comme un bateau qui coule et dont on répare les avaries avec ce qui vous tombe sous la main.

N. O. – Votre héros cherche en vain des hippopotames. Vous avez eu plus de chance que lui?
E. Chevillard. – Mali, ça veut dire République de l’Hippopotame en bambara. Le Niger était leur habitat ancestral. Mais il n’y en a plus. Ce fleuve, c’est une piscine vide. Quand j’imaginais l’Afrique, dans mon enfance, la première chose que je voyais, c’étaient les grands animaux de la savane. L’éléphant, la girafe, créatures un peu comiques mais admirablement résistantes sur cette terre devenue la propriété des hommes. Or j’ai eu là-bas la vision d’un monde sans animaux. Ça m’a paru une utopie sinistre. La vision d’un monde où nous serions, nous, humains, les seuls survivants. Ce serait invivable pour nous. Cette solitude de l’homme sur la terre. Et c’est ce qui est en train de se passer un peu partout dans le monde: les animaux disparaissent. Ou sont parqués. En tout cas, ils ne sont plus dans la vie. Ça pourrait être, me semble-t-il, une fin possible du monde, qui commencerait par la disparition des animaux.

N. O. – Dans votre roman, la logique occidentale est mise à rude épreuve.
E. Chevillard. – Depuis toujours, ma petite entreprise de littérature est une manière de mettre le réel en doute, de le saboter de façon à avoir prise sur lui. Il y a, dans mes livres, un délire structuré qui ressemble à la non-logique africaine. Je ne prétendrais pas du reste avoir complètement compris cette culture: la manière, notamment, dont les gens ironisent sur la technique et préfèrent souvent aux innovations leur petit bricolage personnel. Oui, une sorte de délire logique. Je m’amuse à citer un magasin dont la devanture affichait: librairie, papeterie, quincaillerie, et où la première chose que l’on trouvait, c’était du fil et des boutons. C’est-à-dire: mercerie.

«Oreille rouge», par Eric Chevillard, Editions de Minuit, 166 p., 14 euros.

Né en 1964 à La Roche-sur-Yon, Eric Chevillard est l’auteur d’une douzaine de romans, dont «Mourir m’enrhume» (1987), «Au plafond» (1997), «les Absences du capitaine Cook» (2001), «Du hérisson» (2002) et «le Vaillant Petit Tailleur» (2003). Il habite à Dijon.
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